Gogol

"Et toi, sainte Russie, dans quel tourbillon es-tu emportée, telle la troïka que nul ne peut atteindre. Tu soulèves des tempêtes de pousière, les ponts craquent et tout recule... tu dépasses tout! ... Et celui qui te comtemple s'arrête comme frappé par un prodige divin. Ne serais-tu pas la foudre qu'une force occulte jette des cieux? ... Que signifie ce mouvement, objet d'épouvante? Et quelle puissance mystérieuse habite ces coursiers uniques et inconnus? Ah! Les coursiers russes, coursiers... coursiers, quels formidables orages se cachent dans vos crinières? ... Quelle oreille subtile se trouve dans chacune de vos fibres? ... Sur les cimes, des chants connus retentissent... et les poitrines de bronze se tendent... leurs sabots touchent à peine terre... les coursiers s'allongent, semblent des lignes droites interminables qui fuient et volent dans les airs... la troïka fend l'espace, inspirée par Dieu! ... Vers quelles régions voles-tu, sainte Russie réponds! ... Mais la Russie ne répond pas... Les clochettes teintent et font entendre des sons magnifiques... l'air déchiré, brisé, retentit de roulements de tonnerre... Tout ce qui vit sur terre fuit et disparaît et les autres peuples, les autres empires s'écartent et te laissent la voie libre, sainte Russie!"

Les âmes mortes